Un beau conte illustré, dans lequel une mise en scène onirique donne à voir une réalité poignante.
Alors que la guerre dévaste son Pays des Poupées, et que les Rats ont envahi un Royaume jusqu’alors paisible et enchanteur ; l’âme de Karolina est transportée dans le Monde des Humains.
De couturiere remarquable, elle se réveille belle poupée animée dans l’Atelier de Cyryl, le fabricant de Poupées de Cracovie.
Un artisan aussi habile de ses mains, que peu à son aise dans une société qui peine à faire une place à la différence.
✨C’est toutefois une histoire tissée de tolérance et d’ouverture d’esprit qui s’ouvre dans cette Cracovie de 1939.
Cyryl est alors en pleine fabrication d’une somptueuse Maison de poupée, commandée par un musicien veuf, pour l’anniversaire de sa fille Rena.
Cette rencontre sera l’occasion pour les futurs amis de partager ce qui fait leur différence.
Si ce qui écarte le Fabricant de la norme tient à une jambe de bois, une âme d’enfant dans des mains d’or, et une poupée vivante ; les Trzmiel se distinguent par d’autres croyances.
En effet, Rena et son père sont juifs.
Alors que s’insinuent la guerre et son arbitraire ; l’étau des privations et injustices se resserrent sur la ville…
.. Au gré des décisions de l’envahisseur ; comme dans le Pays d’où vient Karolina.
Dans son malheur, le Fabricant a la « chance » d’avoir des origines allemandes.
Il va donc employer ce privilège, sa magie et sa bravoure pour aider Rena, Josef et leurs compatriotes;
qu’une religion rend suffisamment méprisables pour être parqués dans un ghetto.
✨ Magie judicieuse, pour clairvoyance douloureuse.
Car non, le fabuleux de cette histoire
ne masque pas la cruauté de l’Histoire ; et les injustices infâmes qui ont accompagné l’invasion des « sorciers ».
Avec bien plus de justesse que de manichéisme, ce roman au style élégant donne à voir à quelles leçons de (dés)espoir, d'(in)tolérance et d'(in)humanité les civils ont été confrontés au quotidien.
Vu à hauteur de jouets animés, ce conte -où la richesse lexicale accompagne les multiples références- ne réécrit pas l’histoire. Mais l’enrobe de sa magie pour apporter au jeune lecteur une compréhension forte, nuancée et empathique de ce qui sera peut-être une de ses premières lectures sur la Shoah…
..En tout cas l’une des plus riches par les illustrations, les mises en perspective oniriques et la beauté de ces actes de bravoure et de solidarité !
Le fabricant de Poupées de Cracovie, de R. M. Romero*, traduit par Anne Krief, chez Gallimard.
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