Bonjour mes litotes !
Je suis allée voir The bookshop, l’adaptation cinématographique de La libraire ;
et je suis contente d’avoir lu le roman de Penelope Fitzgerald auparavant, afin d’en déceler les subtilités 😉
📚 Si le roman nous plonge dans ce que l’isolement de Harborough et la personnalité complexe des personnages a de brumeusement insondable ;
le film rend palpable une nature humaine pesamment perfide et mauvaise quand elle veut arriver à ses fins !
Mais tant la sensibilité sagace du livre, que la forte incarnation des ambitions à l’écran,
donnent à voir à quel point « la libraire » fait preuve de courage dans ses projets.
Tant par leurs ambitions, que du fait des multiples réticences qu’ils suscitent dans la bourgade…
Et je suis ressortie du film émue de cette force qu’incarnent les libraires de par leurs choix ; ce courage qui m’encourage à les défendre dans mon quotidien, par mon « choix de carrière », ou sur le blog.
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Un rappel s’il en était besoin?
OUI.
Car cela me déchire le cœur de voir que la révolte sociale actuelle profite aux plateformes de vente en ligne.
Alors que le prix du livre est unique en France.
Que 1 achat internet sur 2 aux Etats-Unis est réalisé sur Amazon.
🔸 Que pour ne pas remettre en question le confort de la facilité : sont privilégiés les achats auprès d’entreprises qui réalisent plus de profits qu’elles ne prennent de risques ; sollicitent plus leurs employés qu’elles ne participent au financement de notre structure sociale.
🔸Que ce commerce déconnecté est celui-là même qui participe à l’effilochage de notre tissu social, économique et environnemental.
Les exportations du consumérisme irraisonné sont une des causes principales de la crise climatique, par les exportations et multiples transports de matières qu’elles impliquent.
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Je me sens souvent « illégitime » à vous inviter à privilégier une alimentation durable car la qualité a un prix; de même que réduire ses déchets peut ne pas apparaître comme une priorité quand on a des contraintes de vie. Même si le sort de ce(ux) qui nous entourent est l’affaire de tous et non une question de priorités ; mais là n’est pas la question.
📚 Mais je suis désolée : rien ne justifie de participer à un système qui siphonne les données des utilisateurs et détruit la planète, parce-qu’on a envie d’un gadget.
Rien ne justifie de soutenir des entreprises qui ruinent nos structures socio-économiques, juste parce-qu’acheter d’un clic est plus pratique que d’aller en magasin.
Etant intégré à quel point aller dans les magasins ou en centre-ville peut être fatiguant, je vous l’accorde ! Je suis moi-même vite éprouvée et n’ai pas de voiture !
Mais quel plaisir d’être en accord avec ses valeurs, de soutenir l’économie locale, d’échanger avec des commerçants !
Quand une vraie contrainte fait face à un vrai besoin : il peut arriver de devoir commander sur une plateforme plus rapide et pratique. La perfection n’est pas de ce monde, il y a des cas exceptionnels.
J’aborde donc là les habitudes d’achat, le choix régulier d’opter pour la facilité avant même de questionner son acte.
Mais même : en tant que « libraire écolo » (allo l’oxymore? 😉), je n’achète pas sur Amazon, même exceptionnellement.
Je me l’interdis car je ne souhaite pas cautionner par un achat, de telles pratiques. Il y a des hommes, des femmes et une planète surexploités, derrière.
Je suis sûre que je trouverai sur le site plein de produits qui me feraient envie : mais d’une part je n’en ai pas besoin; et d’autre part, pour ne pas être tentée, je n’y vais pas.
Point.
Et même : je ne donne pas de clics au site quand je recherche un bien culturel.
Rien de bien héroïque, même pas de frustration, car je trouve ce dont j’ai besoin, et ce qui me fait plaisir dans ma (pas très grande) ville de Province.
📚 Les héros, s’il y en a, ce n’est :
-ni le consommateur qui décide juste de questionner son achat et refuser la solution de facilité quand c’est possible;
-ni Amazon qui profite d’infrastructures et de services publics auxquels elle refuse de contribuer …
Mais c’est bien le commerçant qui prend le risque de réaliser son projet, lancer son entreprise et par là-même défendre ses choix ; mais surtout : soutenir l’économie locale par ses contributions et investissements, créer des emplois et entretenir le lien social par son rôle de médiateur culturel et économique local.
PS : sachant qu’un libraire gagne très peu sa vie (malgré une implication humaine et culturelle de chaque instant)! et que le commerce du livre n’est bien sûr pas très rentable. Sauf parfois en Décembre : le mois pilier des librairies et autres commerces de proximité. Mois où…ah, oui le mois où la révolte sociale a profité à Amazon. Zut alors !
📚 Est-on vraiment heureux après avoir cédé à un achat facile derrière son écran? Le sentiment de bonheur est-il plein après un clic rapide sur son clavier?
Etait-ce un achat raisonnable en ce qu’il correspondait vraiment à un besoin, une envie de se faire plaisir? Un choix raisonné en ce qu’il questionnait les tenants (désirs personnels) et aboutissants (implications socio-environnementales) de cette solution de facilité?
Et le plaisir délivré est-il durable, authentique ; ou furtif et malaisant?
📚 J’ai été une consommatrice compulsive, et consomme encore au-delà de mes besoins pour certaines choses car j’ai encore des vides , des peurs (de manquer), des coups de mou que je crois combler par l’acte d’achat et le fait de posséder.
Mais je sais, au plus profond de moi : que le bonheur est bien plus entier, authentique et durable quand mon achat m’a permis de sortir de chez moi, d’échanger avec d’autres, de soutenir un commerce qui prend des risques ; et ce dans le respect d’une éthique humaine et environnementale.
L’achat sera peut-être le même, mais je l’aurai fait en accord avec mes valeurs, et avec du lien social.
Le plaisir sera là…et le bonheur aussi (je vous invitais dans un récent article à lire ce dossier qui questionne la consommation de manière très intéressante).
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Est-ce qu’Amazon vous accueille dans un lieu chaleureux et unique, pour vous donner des conseils personnalisés en vous offrant une expérience d’achat?
Ah…attendez, on me dit dans l’oreillette que grâce à sa puissance financière et son omniprésence sociale, Amazon ouvre des commerces physiques. Super : et d’ailleurs ils ne proposeront, d’après ses supers algorithmes, que les meilleurs ventes et ce que les clients espèrent trouver (super pour sortir de ce qu’on connait déjà).
🔹 D’une part, il y a des biens qui ne sont pas moins chers sur Amazon (les livres, par exemple, dont le prix est le même partout en France; ou les articles proposés pour moins chers…alors qu’on n’en a pas besoin ) ;
et d’autre part, si certains biens sont proposés à des prix défiant toute concurrence, c’est parce-que la firme tentaculaire réalise ses profits grâce aux données clients qu’elle aspire, via Amazon Web Services*
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Pourquoi je m’en prends nommément à Amazon?
Parce-que certaines personnes vivent dans des déserts commerciaux, ou ont des contraintes personnelles qui font qu’elles n’ont pas d’autre choix que de faire certains achats en ligne.
Ou n’ont pas de librairie indépendante à proximité; puisque les politiques municipales de ces dernières décennies ont encouragé le développement des zones commerciales de périphéries et le déclin des centre-ville. Donc ne peuvent trouver leurs biens culturels qu’en grande surface spécialisée (Fnac, Leclerc) ou maison de presse.
Evidemment, à choisir : privilégiez votre librairie à une grande surface de type Fnac, où les achats sont souvent centralisés et non adaptés à chaque zone de chalandise.
Mais dans le cas contraire (ou si votre libraire est très malaimable 😁), au moins ces GSS participent à l’économie locale (impôts, dynamisme commercial, attractivité) et offrent des emplois à des libraires qui sont souvent de très bon conseils !
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« Oui, mais Jeff Bezos, il a eu le courage de réaliser une super idée ».
ça, c’est sur : du vrai rêve américain !
« Oui mais » vos commerçants prennent chaque jour le risque de faire des choix qui doivent combiner :
-l’offre répondant à la demande et formant le socle de trésorerie; permettant de proposer
-des livres adaptés à la zone de chalandise
– et défendre des titres et maisons d’édition qui sont moins (re)connus et donc faire découvrir des contenus, récits, propos, auteurs inconnus. Ce à quoi les algorithmes qui nous enferment dans le connu, ne peuvent nous ouvrir.
Pratique pour ne pas cultiver sa curiosité, son ouverture à l’autre, sa réflexion ou se confronter à des idées alternatives !
Comme je le développais dans mon article sur la diversité éditoriale
Et ce par un assortiment équilibré et attractif, dans un lieu chaleureux, qui par les charges qu’il implique participe à l’économie locale.
Et donc financer l’aide aux plus démunis, la santé, l’éducation : enfin toutes choses plutôt utiles, que les excès du capitalisme détricotent actuellement.
➡️EDIT : Le Monde selon AMAZON : rapport d’ATTAC
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Dans le roman de Penelope Fitzgerald, la libraire a le courage de croire en ses choix, qui vont à l’encontre du conformisme et de ce que l’on attend d’elle.
Ah ça, c’est sûr qu’on a pas non plus idée de ce qui nous attend avec toutes les données collectées par les plateformes en ligne!
Peut-être y aura-t-il des films (d’horreur) où les gens se réjouiront « d’être allés faire un tour sur Amazon! »..
mais pour l’heure : quel plaisir d’imaginer, puis de voir à l’écran le lieu unique et chaleureux que crée la libraire : à son image, et pour une expérience client agréable (« oui, mais ils trichent : les tranches des livres britanniques, elles étaient joliment imprimées et pas uniformes! « ). Et quelle satisfaction anticipée que de se dire que l’on va renouveler le plaisir en vrai, la prochaine fois que l’on pourra se rendre dans une librairie; ici ou là-bas !
📚 Alors, siouplé : dès que cela est possible, questionnez vos actes d’achat :
-cette envie répond-elle à un besoin authentique, ou un plaisir qui me correspond et durera? Voir par exemple la méthode BISOU
-Quelles sont mes valeurs, et cet achat est-il en accord avec ces aspirations?
-Y a-t-il une alternative à l’achat neuf? Voir par exemple le défi rien de neuf
-suis-je dans l’obligation d’y répondre par la solution la plus pratique/facile (achat en ligne? auprès d’une chaîne, etc
-Et si je dois l’acheter en ligne, les librairies de proximité aussi sont présentes sur des plateformes marchandes: librairies indépendantes, les libraires, Paris librairies… : des réseaux au sein desquels se regroupent les librairies indépendantes !
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Rationaliser sa consommation n’a pas pour objectif ascétique de ne plus se faire plaisir, au contraire : la satisfaction permise par un choix en accord avec ses propres valeurs et une certaine éthique socio-environnementale, est bien plus pleine et durable…dans tous les sens du terme 😉
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Avez-vous regardé l’émission Capital sur Amazon?
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*« En pratiquant une optimisation fiscale féroce, Amazon refuse de contribuer à la rénovation des infrastructures [et services publics] qui lui ont permis d’exister »:
5 réflexions sur “Le courage d’être « la libraire » ! »The Bookshop », adaptation du roman de Penelope Fitzgerald. Et pourquoi soutenir les librairies et commerces de proximité (// articles et émission sur Amazon!)”